Le 24 avril dernier, Jeffrey Goldberg, le rédacteur en chef de « The Atlantic », réalise une interview de Trump qui s’insère dans un reportage intitulé « The Most Consequential President ever » – soit « le président qui aura le plus imprimé sa marque dans l’histoire ».
Il faut reconnaitre au 45ème président sa volonté d’être à la manœuvre, sur tous les fronts, pour ne plus jamais laisser penser que la politique – et encore moins lui-même – ne pourrait influer sur le cours des événements.
Et dans sa furia activiste, il n’hésite pas à bousculer les codes et les habitudes.
D’abord bien sûr en utilisant à fond son arme d’intimidation favorite, les tarifs douaniers. Et ça fonctionne : l’Europe a accordé aux Etats-Unis la suppression de ses taxes à l’importation sur les produits industriels américains en échange… de l’instauration de 15% de droits dans l’autre sens !
Il continue avec la Corée du Sud, le Japon, et fin août avec l’Inde, qui doit supporter désormais une taxe à l’exportation de 50% – dont sont notamment exclus pour l’instant les secteurs stratégiques des médicaments et des produits électroniques – pour prix de ses importations de pétrole russe.
Au 31 août, les droits de douane à l’entrée aux Etats-Unis sur les biens importés s’élevaient ainsi en moyenne à plus de 18%, au plus haut depuis plus de quatre-vingt-dix ans.
Ensuite en s’attaquant directement à la Fed quitte à remettre en question le totem de son indépendance.
Après des mois de pression rhétorique sur Powell, accusé de tergiverser, voire de jouer le jeu des démocrates, plutôt que de baisser franchement les taux, Donald Trump est passé à la vitesse supérieure en essayant de prendre le contrôle direct du conseil des gouverneurs avant même de désigner le nouveau président de l’institution qui prendra ses fonctions en mai prochain.
Il a ainsi nommé Stephen Miran, un de ses plus proches conseillers et critique virulent de l’actuelle réserve fédérale, en lieu et place d’Adriana Kugler, proche des démocrates et démissionnaire à quelques mois de la fin de son mandat. Et désormais il s’attaque directement à un membre en place de l’actuel comité de politique monétaire en la personne de Lisa Cook, accusée de falsification de documents en vue de l’obtention d’un crédit hypothécaire.
Si la manœuvre réussissait, ce qui est loin d’être sûr compte tenu des différents recours judiciaires et de la position très prudente de la Cour Suprême sur tous les sujets liés à la Fed, cela lui permettrait un contrôle plus étroit de la politique monétaire, avec, pour faire bonne mesure, la haute main sur les nominations des gouverneurs des Fed régionales.
Enfin via des interventions directes dans l’économie, que ne renieraient pas les thuriféraires français de « l’Etat stratège ».
Dans cette catégorie on peut noter l’attribution à lui-même d’une « golden share » lors de la fusion entre US Steel et Nippon Steel. Puis la prise de participation de 10% au capital d’Intel en échange de subventions. Il a également mentionné les fabricants de puces Micron voire TSMC (en dépit de sa nationalité) comme des cibles potentielles pour ce type d’opération. Enfin, on pourrait également placer dans cette catégorie « transgressive » le « deal » avec NVidia qui permettrait la rétrocession à l’Etat américain de 10% du chiffre d’affaires réalisé en Chine par l’entreprise.
Cette activisme inquiète profondément les commentateurs économiques et plusieurs analystes financiers, qui voient leur cadre de fonctionnement remis en cause.
Pourtant, tout au long de l’été et en cette rentrée, les marchés gardent le cap et les investisseurs ne semblent pas effrayés par ces bouleversements.
Trois éléments importants soutiennent leur optimisme.
Le premier est la résistance de l’économie. Aux Etats-Unis, la croissance au deuxième trimestre a finalement été de 3,3% en rythme annualisé, au-dessus des attentes et en accélération par rapport au premier trimestre. Si l’on ajoute la stabilisation de l’Europe, soutenue par les pays du Sud du Continent, et la bonne tenue de la Chine en dépit d’une demande intérieure peu dynamique, le tableau de l’économie mondiale demeure encourageant. Notre indicateur MMS Montpensier Arbevel de Momentum Economique mondial, à 56, indique toujours une période d’expansion.
Source : Bloomberg / Montpensier Arbevel au 2 septembre 2025
Le deuxième réside dans les performances des grandes entreprises qui portent les indices actions et tout spécialement des géants de la technologie aux Etats-Unis. Trimestre après trimestre, en dépit de la concurrence, de l’évolution toujours plus rapide de leurs métiers, et de la pression réglementaire, les résultats sont là et battent régulièrement les attentes les plus optimistes.
Le troisième soutien est monétaire et c’est sans doute le plus important, surtout dans le cadre d’une économie qui demeure en expansion. Alors que la Fed semblait partie pour prolonger sa longue pause dans l’évolution des taux d’intérêt, le discours de
Jerome Powell le 22 août à Jackson Hole a fait bouger les lignes et semble annoncer un pivot vers de futures baisses de taux, à commencer par la réunion du 17 septembre prochain. Certains membres, comme Christopher Waller, un des favoris pour lui succéder, suggèrent déjà une possible baisse agressive de 50bps en cas de ralentissement trop marqué du marché de l’emploi
Sans aller jusque-là, tout desserrement de l’environnement monétaire serait très favorable à la valorisation des actifs risqués et en premier lieu des actions, mais aussi des obligations d’entreprises, des convertibles et des actifs privés. L’adage « don’t fight the Fed » demeure un des plus révérés des investisseurs du monde entier.
En cette rentrée et alors que le climat politique en France occupe les conversations et obscurcit l’horizon, les marchés nous rappellent que les ressorts économiques de la croissance restent présents, que les entreprises savent générer de la profitabilité y compris dans des environnements de turbulences, et que les banquiers centraux demeurent à la manœuvre pour stabiliser l’environnement financier.
La volatilité fait partie intégrante du fonctionnement des marchés et pourrait se rappeler sans prévenir à notre bon souvenir. Jusqu’ici Wall Street a bien tenu.
Bonne rentrée à tous !