« L’Europe a été précurseur avec MiCA, mais sa réglementation parfois contraignante pourrait freiner l’innovation »

Lancé fin 2022, le fonds Pluvalca Global Blockchain Equity SRI 4* de Montpensier Arbevel vise à capter la valeur de l’écosystème blockchain sans investir dans les cryptoactifs. Rencontre avec Valentin François, gérant, qui revient sur la genèse du fonds, sa stratégie d’investissement et les perspectives qu’offre ce marché en pleine structuration.

Wilfrid Galand, Directeur général adjoint

« « La blockchain repose le plus souvent sur l’infrastructure cloud, et l’essor de l’IA profite des avancées dans la collecte et le traitement de la donnée » »
« Le fonds suscite l’intérêt des investisseurs, néophytes comme initiés »

Décideurs. Quelle est la stratégie d’investissement du fonds ?

Valentin François. Il s’agit d’un fonds actions small et mid caps internationales. Nous ne faisons aucun investissement en cryptoactifs. Il est important de le souligner, car la confusion est fréquente : blockchain ne veut pas dire investissement en cryptomonnaie. L’idée est d’identifier les entreprises qui bénéficient le plus de l’émergence de cette technologie. À ce titre, nous distinguons trois types de sociétés : les entreprises natives de la blockchain, qui génèrent l’essentiel de leur chiffre d’affaires grâce à cette technologie ; les facilitateurs, qui en permettent le déploiement au sein d’acteurs plus traditionnels ; et enfin, les utilisateurs, qui s’appuient sur la blockchain pour innover, sans qu’elle constitue leur cœur de leur activité. Notre sélection cible surtout les deux premières catégories. Par exemple, plutôt que d’investir dans LVMH – qui utilise la blockchain pour la traçabilité de ses produits –, nous préférons des acteurs comme Lectra, qui fournissent des solutions technologiques à des industriels comme H&M pour intégrer cette innovation.

Quels en sont les grands thèmes ?

Nous structurons le portefeuille autour de quatre sous-thématiques : les actifs numériques et la tokenisation, l’infrastructure blockchain, la blockchain as a service, et enfin l’univers des NFT et du métavers. Ce dernier est encore en plein développement, mais nous le suivons de près.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

La tokenisation, par exemple, consiste à rendre échangeables sur une blockchain des actifs traditionnels comme les actions, les obligations, l’immobilier ou les parts de fonds. Des sociétés comme BlackRock ou Franklin Templeton s’y intéressent de près. Nous parlons aussi beaucoup de stablecoins, ces monnaies numériques indexées sur des devises classiques. Circle, l’un des leaders du secteur, prévoit une introduction en bourse prochaine, et nous suivons cela attentivement. Ce fonds s’inscrit dans la famille des technologies « ABCD » – Artificial Intelligence, Blockchain, Cloud et Data, des technologies qui se nourrissent mutuellement. Par exemple, la blockchain repose le plus souvent sur l’infrastructure cloud, et l’essor de l’IA profite des avancées dans la collecte et le traitement des données.

Pourquoi avoir lancé ce fonds ?

J’ai longtemps travaillé sur des thématiques d’innovation, et lorsque j’ai rencontré Sébastien Lalevée, le directeur général de Financière Arbevel [Ndlr : devenu Montpensier Arbevel], il recherchait un profil capable de construire un fonds thématique différenciant, ancré dans une analyse fondamentale de pointe. Dès 2015 Il s’interrogeait déjà sur le potentiel disruptif de bitcoin et de la blockchain. C’est comme cela que nous avons lancé conjointement le fonds en décembre 2022.

Quel accueil a reçu le fonds depuis sa création ?

Il suscite l’intérêt des investisseurs, néophytes comme initiés. Les premiers ont souvent besoin de pédagogie pour comprendre que nous ne sommes pas sur un fonds investi en crypto, mais sur une thématique technologique d’avenir. Les seconds s’interrogent sur notre capacité à construire un portefeuille à partir d’entreprises cotées. Nous leur démontrons que l’univers boursier, notamment aux États-Unis et au Canada, est riche d’acteurs. Le fonds est aujourd’hui référencé chez la quasi-totalité des assureurs, ce qui le rend accessible aux investisseurs particuliers grâce à l’assurance-vie.

Quelles sont les valeurs les plus prometteuses du portefeuille ?

Sans faire de recommandations d’achat, nous avons identifié trois grands cas d’usage porteurs. Le premier, ce sont les paiements avec les stablecoins. Des acteurs comme Coinbase, co-émetteur de l’USDC, ou d’autres à l’image de Robinhood ou PayPal ont déjà lancé leurs propres stablecoins. Visa et Mastercard, loin d’être dépassés, travaillent à intégrer ces technologies pour continuer à servir les banques avec des solutions plus rapides et moins coûteuses que les systèmes traditionnels. Le deuxième cas d’usage est la tokenisation d’actifs. Des places de marché comme Deutsche Börse investissent dans cette direction, en rachetant par exemple des plateformes de tokenisation de parts de fonds. Enfin, la traçabilité des produits, déjà mise en œuvre dans le textile ou le luxe, illustre la capacité de la blockchain à répondre aux exigences réglementaires et éthiques actuelles.

Où en sommes-nous côté réglementation ?

Après une période hostile sous l’administration Biden, nous assistons à un revirement aux États-Unis : les autorités de régulation deviennent plus ouvertes, notamment sur les stablecoins. L’Europe a été précurseur avec MiCA, mais sa réglementation parfois trop contraignante pourrait freiner l’innovation. Cela dit, une régulation claire est souvent un accélérateur d’adoption, à condition qu’elle n’étouffe pas les initiatives.

Le fonds est classé SFDR8. Comment conciliez-vous blockchain et durabilité ?

Il faut distinguer la blockchain Bitcoin – énergivore – des autres blockchains, dont l’empreinte écologique est bien plus faible. Notre fonds investit dans des entreprises liées au minage de bitcoins mais l’essentiel du portefeuille est constitué de logiciels et de fintech, aux externalités limitées. De plus, nous appliquons notre filtre ESG, en complément de nos critères thématiques.

Existe-t-il des risques ?

Le risque principal est celui de la non-adoption, bien que les signaux soient positifs puisque les grandes institutions, telles que BlackRock ou UBS, s’emparent du sujet. Une réglementation excessive, en revanche, pourrait ralentir le mouvement, notamment en Europe.

Selon vous, quel est l’avenir de la blockchain ?

Nous pensons que la blockchain n’a pas encore connu son « moment ChatGPT », ce déclencheur grand public. L’adoption viendra peut-être par les institutionnels, comme c’est déjà le cas. À terme, l’utilisateur final ne saura peut-être même pas qu’il utilise une blockchain, de la même façon que personne ne connaît les détails techniques du réseau Swift ou du fonctionnement d’Internet. Notre conviction est claire : la blockchain est une brique essentielle de la finance et de la technologie de demain, et est déjà en train de transformer les usages.

*Indicateur synthétique de risque, sur une échelle de 1 (risque le plus faible) à 7 (risque le plus élevé)

Communication publicitaire. La décision d’investir tient compte de toutes les caractéristiques, objectifs et risques de l’OPCVM. Lire attentivement le prospectus, le KID et le document précontractuel SFDR le cas échéant avant tout investissement. Les opinions exprimées au jour de la publication sont fournies uniquement à titre d’information. Elles sont fondées ou justifiées en fonction du contexte économique, financier, boursier et réglementaire. Les valeurs citées sont susceptibles de ne plus figurer dans les portefeuilles des OPCVM gérés par Montpensier Arbevel, et ne constituent en aucun cas une recommandation d’investissement ou de désinvestissement.

Propos recueillis par Marine Fleury