Edito Citywire : Les fonds obligataires total-return, une brique incontournable dans les allocations de portefeuilles

10 février 2025

Les fonds obligataires de performance absolue visent à générer des rendements quelles que soient les conditions de marché. Contrairement aux fonds classiques, qui subissent les fluctuations des taux et du crédit, les fonds total-return offrent une grande flexibilité et peuvent se prémunir contre une partie de cette volatilité. Les mouvements de marché sont alors susceptibles de devenir des opportunités de performance.

L’image d’une obligation allemande à 10 ans, stable et sans risque, a été perturbée par la forte remontée des taux d’intérêts après la crise sanitaire, en 2021. La BCE a relevé ses taux de 4,5 points en quelques mois, entraînant une baisse importante des prix des obligations et une perte de capital pour les investisseurs « buy and hold ».

La normalisation monétaire en cours est source de volatilité, avec des variations du bund entre 2,03 % et 2,70 % sur les 12 derniers mois, soit une amplitude de près de 70 points de base. Cette volatilité, difficile à gérer pour les stratégies classiques, représente une opportunité pour les fonds de performance absolue.

Un accès élargi aux différentes classes d’actifs obligataires

Les fonds obligataires de performance absolue peuvent investir dans diverses classes d’actifs obligataires. Bien que les dettes souveraines core soient généralement au cœur des allocations, ces fonds peuvent également inclure des obligations émises par des pays périphériques ou émergents, en devises locales ou non. De manière plus originale, ils peuvent mettre en place des stratégies pour exploiter les variations des anticipations d’inflation ou profiter des inversions et aplatissements des courbes de taux souverains.

Le segment du crédit d’entreprises constitue aussi une part stratégique de l’allocation, permettant de tirer parti des rendements attractifs tout en profitant du resserrement des primes de risque sur les différentes stratégies de crédit (Investment Grade, High Yield, dettes financières et dettes subordonnées). Les obligations convertibles en actions peuvent aussi être envisagées. Elles peuvent parfois offrir des rendements supérieurs aux obligations classiques, ou bien permettre une exposition partielle aux actions grâce à des profils mixtes reflétant les mouvements des actions sous-jacentes. Enfin, les stratégies de devises, souvent plus volatiles, peuvent contribuer à la génération de performance pour ces fonds total-return.

Le pilotage des risques au cœur de la gestion

Les décisions d’allocation des fonds obligataires de performance absolue reposent principalement sur la vision moyen-long terme des gérants, mais peuvent être ajustées par des décisions tactiques pour optimiser la performance. L’utilisation d’instruments dérivés (options, futures, etc.) accroît la flexibilité de ces fonds et leur capacité de réactivité.

La recherche de performance ne se fait généralement pas au détriment de la volatilité. Les fonds sont conçus pour limiter les drawdowns et sont souvent calibrés en absolu, à l’aide de budgets de risques ou de volatilité. Une attention particulière est également portée à la corrélation entre les stratégies mises en place pour maximiser la convexité des portefeuilles et ajuster les poids des positions. Les stratégies de couverture, caractéristiques de ces fonds, permettent de tirer parti aussi bien des hausses que des baisses des marchés.

Chez Montpensier Arbevel, le pilotage des risques est défini à l’aide à la méthode des « 3C ». Pour chaque stratégie en portefeuille, une notation du degré de Conviction va être réalisée. Les gérants vont ensuite chercher à évaluer le positionnement des investisseurs de manière à définir le degré Contrariant de la stratégie. Enfin, un objectif de cours ainsi qu’un niveau de risque vont être définis afin d’établir le degré de Convexité de la stratégie et mesurer l’impact sur le portefeuille de cette dernière en fonction de différents scénarios de marché.

Cette étude détaillée, stratégie par stratégie, permet de suivre très finement les risques du fonds et la convexité globale du portefeuille en calculant la performance espérée du portefeuille selon différents scénarios de marché.  

Quelles perspectives pour l’année 2025 ?

Le début d’année 2025 a été marqué par une forte volatilité sur les marchés obligataires avec une poursuite de la hausse des taux européens et internationaux amorcée début décembre. A la mi-janvier, face aux discours véhéments de Donald Trump et aux chiffres macroéconomiques solides outre-Atlantique, les investisseurs ont fortement réduit leurs anticipations de baisses de taux pour n’anticiper qu’une baisse de la FED en 2025. Ces prévisions nous semblaient alors trop conservatrices, et après le fort mouvement de hausse de taux, la convexité semblait être redevenue attractive sur les courbes de taux des pays core (Allemagne, Etats-Unis et Royaume-Uni), nous incitant à renforcer notre duration. 

Cependant, depuis la mi-janvier, le retournement des marchés de taux a été l’occasion d’une prise de profits progressive, en particulier sur les taux euro qui offrent désormais une valorisation plus exigeante que les taux américains : le marché anticipe 3.5 baisses de taux sur le reste de l’année 2025 avec un taux terminal à 1.8%, ce qui peut paraitre adapté à la situation de l’économie de la zone euro. 

A contrario, certaines courbes de taux affichent aujourd’hui des niveaux de valorisation qui semblent intéressants. C’est le cas des taux longs japonais. Le 40 ans japonais offre aujourd’hui un rendement de près de 2.97% alors que les taux courts de la banque centrale (BOJ) sont à 0.50%. Le consensus de marché anticipe une nouvelle hausse de taux pour l’année prochaine, ce qui porterait les taux courts à 0.76% et laisserait donc une pente confortable, de près de 220 bp, entre les taux courts et les longs. Subséquemment, les économistes estiment que la croissance au pays du soleil levant devrait rester très limitée dans les prochaines années : -0.2% en 2024 avant +1.2% en 2025 et +0.9% en 2026. De même, l’inflation devrait poursuivre sa décrue et revenir au niveau des 2% dès 2025 puis passer sous ce seuil en 2026. Sans même parler du sujet récurrent de la démographie, qui continue de peser sur les perspectives à long terme du pays.

Sans que cela ne constitue une recommandation d’investissement, notons que pour les investisseurs en euro, le fait de détenir ce 40 ans japonais tout en couvrant le risque lié à la devise permet un surplus de rémunération de 2.26% (couverture à 3 mois sur l’EUR/JPY annualisée), ce qui porte la rémunération du 40 ans japonais, couvert en devise, à plus de 5.23%. Un rendement à mettre en perspective des 2.38% du 10 ans allemand…

Un marché du crédit cher mais des segments de valeur subsistent

Du côté des marchés du crédit, les primes de risques se sont fortement resserrées et évoluent sur des niveaux historiquement faibles. Le haut rendement, fortement plébiscité pour son portage élevé, évolue aujourd’hui avec une prime de risque d’environ 300 bp par rapport aux taux sans risque, alors que cette prime atteignait les 470 bp courant 2023. Le rapport rendement risque de cette classe d’actifs ne semble donc plus être vraiment favorable aux investisseurs. Il existe cependant quelques segments dont les valorisations paraissent rester attractives à l’instar du segment immobilier.

Le secteur immobilier a été fortement pénalisé par deux éléments. La crise du covid a d’abord remis en question l’usage des bureaux et la pertinence du modèle des centres commerciaux. Puis, ce sont les fortes hausses de taux qui ont impacté défavorablement les valorisations des actifs qui avaient pourtant profité de plusieurs années de baisses de taux et semblaient vouloir monter indéfiniment. Dans ce contexte, les foncières ont fait l’objet de toutes les craintes : les marges ont reculé et les ratios d’endettement, en particulier, le fameux Loan to Value suivi par tout le secteur, et correspondant au ratio du montant de la dette de la société rapporté au montant de ses actifs immobiliers, a été fortement mis sous pression. Les menaces de dégradations des agences de notation ont conduit à un écartement des primes de risques qui, même si elles se sont naturellement réduites aujourd’hui, restent à des niveaux qui paraissent intéressants. Nous restons surpondérés sur cette thématique : le secteur immobilier affiche des rendements autour de 3.9% pour les notations BBB- et 5.6% pour les BB+ alors que le marché obligataire en moyenne offre respectivement 3.5% et 4.4% de rendement.

Les souches des foncières continuent donc de traiter avec une prime par rapport à leur historique mais également par rapport aux souches d’autres émetteurs, de secteurs différents, mais avec des notations et des échéances comparables. Ces sociétés ont pourtant publié des résultats encourageants avec des bilans plus assainis et surtout des indicateurs économiques en forte amélioration. L’année 2024 a confirmé la place stratégique des centres commerciaux pour les zones de chalandise, le rebond des taux d’occupation aussi bien pour les foncières commerciales que résidentielles, des discours d’entreprises plus prudentes quant au télétravail permettant d’envisager un gel de la dynamique de réduction des espaces de bureaux, etc. Autant d’éléments qui militeraient pour une normalisation des primes du risque du secteur dans son ensemble.

Auteurs : Charlotte Davain et Gilles Seurat, gérants du fonds M All Weather Bonds