Le 1er octobre, la République Populaire de Chine fête l’anniversaire de sa fondation en 1949. Elle a depuis lors toujours demontré sa résistance à toutes pressions étrangères et encore aujourd’hui, elle ne cède pas aux objurgations de Donald Trump. La taille de son économie et ses avancées technologiques font de la Chine le facteur X du paysage mondial.

Par Wilfrid Galand, Directeur Général Adjoint

Lorsque Trump prête serment en tant que quarante-septième président des Etats-Unis, ses premières déclarations, étonnamment, ne ciblent pas la Chine mais le Canada et le Mexique. Ce n’était bien sûr que partie remise.

Quelques semaines plus tard, les premières mesures tombaient à l’encontre de l’Empire du Milieu : taxes « Fentanyl » à l’importation de 15% – venant s’ajouter aux précédentes mesures commerciales sous son premier mandat, complétées par Joe Biden – restrictions à l’exportation des puces les plus avancées destinées à l’intelligence artificielle, pressions sur les partenaires asiatiques de Pékin pour diminuer l’intensité de leur relation avec le puissant voisin…

Face à cette avalanche, la Chine a refusé de courber l’échine et a riposté selon trois axes complémentaires. Elle a commencé par répliquer en annonçant systématiquement des contre-mesures commerciales d’un niveau identique à celles annoncées par Trump quelques jours voire quelques heures plus tôt.

En parallèle, elle a réduit de façon drastique les volumes de produits importés des Etats-Unis, en ciblant tout spécifiquement les biens les plus sensibles pour l’électorat de Donald Trump comme le soja ou le porc.

Enfin, utilisant au maximum sa position centrale dans les chaines de valeurs industrielles, elle a mis en place des dispositifs permettant de limiter si

nécessaire le volume d’exportation des métaux stratégiques et terres rares raffinées, indispensables à l’électronique et à l’industrie de défense. Sans gallium ou germanium, pas de lasers de pointe ou d’avions furtifs !

Ce faisant, la Chine utilise ce qu’elle maitrise depuis des millénaires : le sens du temps et la conscience de sa masse.

Confrontée à un Trump qui ne peut bénéficier des mêmes atouts, en raison du rythme électoral américain et de sa volonté d’imprimer le plus vite possible sa marque dans le tissu économique et social du pays, elle mise sur sa capacité à durer plus longtemps que son adversaire dans un jeu de patience et d’endurance.

Elle peut le faire car son économie résiste et lui offre un socle solide dans cette confrontation. Notre indicateur Montpensier Arbevel de Momemtum économique, à 59, est ancré en territoire d’expansion depuis plusieurs mois.

Source : Bloomberg / Montpensier Arbevel au 26 septembre 2025

En dépit des pressions de Trump, le moteur de l’activité du pays demeure les exportations, rendues possibles -et même indispensables compte tenu des surcapacités phénoménales dans des secteurs comme l’acier, les batteries, les panneaux solaires ou les véhicules électriques – par la surpuissance du tissu manufacturier. Rien d’étonnant lorsque votre production dépasse celle cumulée de l’Allemagne, du Japon, des Etats-Unis et du Royaume-Uni.

Depuis le premier mandat du fantasque milliardaire, Pékin a progressivement réorienté géographiquement ses exportations vers l’Asie et les pays émergents. Alors que les exportations du pays vers les Etats-Unis représentaient encore près de 4% du PIB en 2018, elles sont tombées à moins de 3% l’an dernier. Désormais, plus de la moitié des échanges de biens chinois en volume se fait avec les pays membres des « Nouvelles Routes de la Soie » (Belt and Road Initiative).

Cette puissance exportatrice, la consolidation de ses appuis diplomatiques extérieurs ainsi que la remontée progressive du moral de ses grandes entreprises et la stabilisation du secteur immobilier, lui permettent d’envisager sereinement d’atteindre l’objectif de 5% de croissance en 2025.

Aller au-delà de ce cap permettrait aux autorités de faire enfin baisser le chômage des jeunes urbains, toujours supérieur à 15%, et contribuerait à accélérer le rythme général de l’activité mondiale, qui devrait peiner à dépasser les 3% en 2025 et 2026, seuil qui sépare historiquement au niveau de la planète, les périodes d’expansion et celles de stagnation.

Pour cela, les autorités doivent relancer la demande intérieure en agissant sur deux leviers pour lesquels la prudence demeure jusqu’ici de mise. Le premier est le levier monétaire. Toute en retenue, la politique de la banque centrale chinoise reste restrictive, en dépit d’un manque de dynamisme du crédit depuis le début de l’année. Le taux de référence des emprunts à 1 an demeure ainsi ancré à 3% et celui à 5 ans à 3,5%, malgré un fort besoin de refinancement des collectivités locales, qui soutiennent le secteur immobilier.

Le second levier est budgétaire. Même si le déficit pour 2025 pourrait dépasser les 8% du PIB, il n’a pas permis jusqu’à présent de relancer franchement une demande intérieure qui reste atone. Peu confiants dans l’avenir, les ménages continuent de préférer massivement l’épargne : en 2024, c’est plus de 35% du revenu disponible qui a ainsi été mis de côté par les particuliers, un quasi-record mondial, bien loin devant les 15% enregistrés en zone euro !

Plus qu’un effort accru, c’est le fléchage et l’efficacité de la dépense publique dirigée vers la consommation intérieure qui doit être prioritaire. Parmi les pistes à creuser, l’expansion et la généralisation des politiques ponctuelles d’aide à l’achat d’équipements ménagers modernes, qui ont montré leur pertinence. La mise en place d’un « filet de sécurité » social plus large et rassurant que la couverture actuelle participerait également à cet objectif.

L’effet richesse lié aux marchés financiers pourraient venir au soutien de Pékin. Au 30 septembre, l’indice de la bourse de Shanghai est ainsi en hausse de plus de 15% depuis le début de l’année et l’indice ChiNext des principales valeurs technologiques, porté par l’enthousiasme retrouvé autour des géants du numérique du pays, progresse de plus de 50%.

Cette bonne tenue des indices chinois a soutenu l’indice global des actions émergentes, en hausse de près de 25% depuis janvier après trois années difficiles.

La poursuite de l’optimisme, alors que les bourses chinoises accusent un très lourd retard tant en termes de performances que de capitalisation sur leurs homologues américaines, pourrait permettre aux investisseurs mondiaux de trouver une alternative face à l’inexorable montée des valorisations.

Reste pour Xi à contenir les piques du président américain pour poursuivre la route du « rêve chinois ». Jusqu’ici, les pressions multiples exercées par Trump sur ses alliés de longue date, en particulier en Asie, mettent sous tensions les relations avec le Japon, l’Inde et le Vietnam, offrant une fenêtre d’opportunité au dirigeant chinois pour se positionner comme un pôle de stabilité.

A ce titre, la renonciation mi-septembre de Pékin au statut privilégié de « pays en développement » dans le cadre de futures négociations au sein de l’OMC, est un signal de plus de la volonté du pays de se poser en alternative raisonnable et crédible au leadership américain. Un « facteur » X qui doit néanmoins être confirmé dans le temps… y compris dans le très épineux détroit de Taiwan !